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le deuxième blog de Damien Cazé
15 février 2009

052

Les trois quarts des profs du lycée à Pipo font grève. Monsieur Okama fait partie de ceux qui s'y refusent, mais il autorise ses élèves à ne pas venir en cours si ça leur chante.

(J'ai demandé à mon fils de me montrer ses cartes géo, c'est effectivement très étonnant cette manie qu'il a de colorier entièrement les mers et les océans en bleu - bleu qu'il va jusqu'à dégrader sur un centimètre autour des côtes, d'un bleu très clair au bord des terres à un bleu presque noir, là où il juge que le fond est si loin qu'il me paraît du domaine de l'imaginaire - et ça donne une drôle de touche à ses dessins, qui font l'effet d'onduler.)

Piponin n'avait qu'un cours de géo aujourd'hui, mais il a profité de l'accord du prof pour ne pas s'y rendre - et Clém' préférant rester devant ses feuilletons à la con, on a pris le train à deux jusqu'à la plage.

Là-bas se passent les choses suivantes:

Le vent est doux, la lumière d'un soleil tout flou inonde l'eau et le sable, on est quasiment seuls, et on ne parle pas. Devant nous une grosse femme seins nus - le temps s'y prête - fait des sudokus sur une serviette de plage Wall-E. Piponin dans le plus grand silence me désigne au loin le cabanon des toilettes, qu'il rejoint ensuite sur ses béquilles sans toujours rien dire. La grosse femme à ce moment se lève, s'entoure la serviette autour des épaules et sous le soleil blanc elle rejoint le bord de mer, à trente mètres de là. Je ne fais d'abord attention qu'à elle: des talons elle creuse dans le sable de longues tranchées qui amènent de l'eau jusqu'à bien quinze mètres en arrière; elle construit alors plusieurs petits lacs alimentés chacun par un de ces longs tunnels faits aux pieds. Et puis mon regard se tourne et j'aperçois ça: derrière la grosse dame, quand elle était assise, il y avait ce petit garçon qui me fixait. Et ce petit garçon, si l'on veut bien me croire, est le portrait craché de mon fils, si mon fils avait eu cet âge au lieu d'avoir quinze ans. J'ai juste le temps de prendre une photo - quand la grosse dame abandonne ses lacs, revient vers lui, rassemble ses affaires, et l'emmène sur son dos jusque derrière les dunes, où je ne les vois plus.
Quinze minutes plus tard Piponin reparaît et m'explique qu'il y avait du monde chez les hommes. Ca m'étonne: Mais il n'y a pas un chat! - Ici non mais là-bas c'est plein de gens. Puis il s'assied et ajoute: J'ai vu dans la file d'attente un vieillard sur des béquilles qui me ressemblait trait pour trait. Et j'ai eu peur, papa.
"Papa"!
L'eau monte, on n'échange plus une parole, et c'est quand elle a englouti jusqu'au dernier des petits lacs qu'on se décide à quitter la plage et à rejoindre l'appartement.

DSC00836

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